Découvrez les 10 films européens qui ont marqué 2023 (2024)

L'année cinématographique 2023 fut un bon cru, particulièrement pour les cinémas européens. De l'Ours à la Palme d'or, des films d'auteurs aux blockbusters, les meilleurs films produits et réalisés viennent du continent européen. A découvrir en détail.

L'Europe, 10 sur 10 !

Découvrez les 10 films européens qui ont marqué 2023 (1)PUBLICITÉ

L'année 2023 fut incontestablement un bon cru cinématographique, et notamment pour les cinémas européens qui ont montré toutes leurs créativité et leurs diversités. Ce sont d'ailleurs trois films profondément européens, et signés par de grands cinéastes qui ont raflé les prix des trois principaux festivals de cinéma, Cannes, Venise et Berlin. Le signe que ce qui est réalisé de plus novateur et risqué passe aujourd'hui par des productions européennes. L'année 2023 marque d'ailleurs l'effondrement des grosses machines américaines, Marvel en tête qui n'arrivent plus à renouveler un public peut-être blasé par la redondance des blockbusters et leur si lointain contact avec le monde réel. Les super héros ont-ils vécus ? Rien n'est moins sûr, mais l'on constate concomitamment les demi échecs au box-office mondial des franchises Mission Impossible, Indiana Jones ou autres Fast and furious.

Dont acte. Nous avons voulu faire un Top 10 comme on dit en bon anglais de nos 10 films et, force est de constater, qu'ils ont tous un lien direct (dans la production ou la réalisation) avec l'Europe. A l'heure des doutes de l'unité de l'Union et de la montée des scepticismes et des replis identitaire, les cinémas européens apparaissent comme un étendard des différences, l'affirmation de paroles et d'images d'auteur et d'autrice, en contact avec leur réalité, prenant à la fois le pouls du monde et auscultant dans sa grandeur comme dans son abomination notre humanité.

Voici donc un Top 10, sans classement (pour quoi faire?), comme un aperçu global de ce que le grand écran (Out Netflix, Amazon Prime and consorts) nous a offert de plus grand et de plus émouvant.

"Perfect Days" de Wim Wenders (Allemagne, Japon)

A tout seigneur, tout honneur. Le récent Prix Lumière 2023 signe son grand retour avec un film tourné dans un Japon qu'il connaît bien et qu'il nous restitue dans toute sa simplicité et sa complexité à travers l'histoire d'Hirayama (interprété par le grand Koji Yakusho, Prix d'interprétation masculine à Cannes cette année), qui travaille au service des toilettes de la ville de Tokyo. A travers son quotidien humble et ordonné comme du papier musique (Wenders s'arme de la plus puissante bande son de l'année avec tous les standards des années 70, Lou Reed en tête...), et son attitude face à la vie qui lui apporte sérénité et paix de l'âme, attentif à la beauté du monde provenant de la nature qu'il photographie ou les livres qu'il collectionne.

Wenders réussit à saisir l'indicible, le bruit d'une feuille comme un rayon rasant au soleil couchant, et rendre ainsi la beauté du monde dans toute sa pureté et son évidence. Bref, un film humaniste et philosophique, qui fait partie de ses oeuvres rares qui nous élève en rendant compte du meilleur de l'humanité. Un don de cinéaste, à l'instar du magnifique dernier plan, lumineux, musical et élégiaque à la fois, très wendersien en tout cas, et que je ne divulgâcherai point, ne serait-ce que pour vous donner d'envie d'aller voir ce film, sorti à l'automne et certainement encore visible sur grand écran dans une salle près de chez vous.

Visionner notre interview de Wim Wenders :

"Anatomie d'une chute" de Justine Triet (France)

On ne peut évidemment passer à travers l'un des films-phénomènes de cette année, Palme d'or à Cannes (voir interview), Prix du cinéma européen à Berlin en décembre (voir interview), multi-nominé aux Golden globes et certainement pour les Oscars. La cinéaste française n'est pas une débutante ni une inconnue, notamment dans les pays francophones. Mais avec ce film, elle s'ouvre à un public plus large, et notamment européen puisque son film parle français, mais aussi anglais (la langue commune des personnages) et allemand, Sandra Hüller oblige.

L'actrice allemande fut une sorte de double et de muse pour Justine Triet, et cela se voit et ressent à l'écran. Le personnage d'une femme puissante qui va devoir faire face non seulement à une accusation de meurtre, celui de son mari, mais qui devra aussi voir son intimité étalée lors d'un procès qui est aussi celui de son couple. Un film qui ne se veut pas aimable, voire rêche, qui ne joue jamais la carte de l'affect pour choisir des mots et des dialogues ciselés au scalpel. La cinéaste déchire le rideau des apparences en disséquant les sentiments, les non-dits, les ressentis, mettant les spectateurs dans le même état mental que les protagonistes du film, là où la vérité n'est jamais celle que l'on croit.

"Les Filles d'Olfa" de Kaouther Ben Hania (France, Tunisie, Allemagne, Arabie saoudite)

C'est peut-être notre coup de coeur de l'année, vu en compétition à Cannes et, honte au jury, reparti bredouille. Kaouther Ben Hania n'est pas une novice et avait déjà estomaquée son monde avec "Le Challat de Tunis" en 2015, mockumentary tiré d'un fait divers et déjà diablement bien monté qui révélait la virtuosité de la jeune quarantenaire tunisienne pour se jouer des représentations et mêler inextricablement réalité et fiction. Un tour de force complètement maîtrisé pour dans "Les "Filles d'Olfa", retraçant la tentative d'une réalisatrice de rendre compte avec une partie des vrais protagonistes, ce qu'il est arrivé à Olfa, mère célibataire tunisienne, dont deux des filles sont partis au Jihad, une histoire qui a défrayé la chronique en Tunisie au milieu des années 2010.

Olfa devient le personnage du film en devenir, dans l'intimité d'une famille uniquement féminine. On pénètre un environnement "women friendly" comme dit elle-même la réalisatrice, au coeur même d'un monde musulman qui donne rarement l'occasion aux femmes de s'exprimer sur leur condition et ce qu'elle vive. Un film important donc, pour la représentation des femmes à l'écran, des visages et des voix, mais aussi parce qu'il est réalisé par une réalisatrice libre et moderne qui entrelace avec une intelligence rare réel et cinéma.

Les Feuilles d'automne d'Aki Kaurismaki ( Finlande, Allemagne)

C'est peut-être le film le plus touchant et le plus émouvant de cette sélection. Un conte à la Charlie Chaplin, mais en Finlande, aujourd'hui : une histoire d'amour entre deux paumés prolétaires et seuls, Ansa et Holappa, ballotés par la vie qui doivent faire face à la dureté d'un monde impitoyable et à l'implacable loi du marché qui les pousse à arrière-ban de la société. "Les Temps modernes", version contemporaine, mais loin du monde hyperconnecté (ici, seule la radio envoie des nouvelles de la guerre en Ukraine, comme un écho à la folie du monde) et des réseaux sociaux. Pas de réseau ici, ni d'artefacts, mais du social et de la poésie : tel est le credo du grand Kaurismaki, cinéaste au coeur qui déborde comme les verres qu'il fait remplir à son personnage d'Holappa, mélancolique romantique qui attend le grand amour. Il n'y a pas une once de misérabilisme dans son cinéma, et se dégage au contraire une beauté et un humour des personnages et des situations qui n'est pas sans rappeler un poème de Jacques Prévert à la sauce scandinave. Un film qui fait chaud au coeur et dans lequel il fait bon être, bercé par la douceur et la simplicité de l'amour qui doit vaincre à la fin. Du grand art, donc.

"How to have Sex" de Molly Manning Walker ( Royaume-Uni, Grèce, Belgique)

C'est incontestablement le meilleur premier film de l'année, et signé par une jeune réalisatrice britannique dont on attend impatiemment la suite. Beaucoup de sensibilité et surtout une grand faculté à saisir cet air du temps toujours fragile, changeant et difficile à saisir. Molly Manning Walker nous embarque avec son héroïne et ses copines dans ce que les anglo-saxons appellent un "coming-to-age movie", en bon français : un film initiation et d'apprentissage, à l'âge des premiers émois sexuels avec, en constant filigrane, la question du consentement et de ses zones grises, démultiplié par ce regard des autres sur vous, en particulier à l'ère des réseaux sociaux. Bref, un film en connexion totale avec son époque et qui choisit plutôt l'aigre à la douceur, la mélancholie lucide à l'insouciance, évitant surtout tout moralisme. Dans un environnement hédoniste et matérialiste, les injonctions à se laisser aller et à jouir sans entrave sont nombreuses, cachant mal la misogynie et le patriarcat rampants. "How to have Sex" est un titre sans point d'interrogation : il n'y a pas une manière de faire l'amour, la question est de savoir comment le faire (bien). Le film est définitivement à mettre sous les yeux de tous les adolescents.

"Oppenheimer" de Chistopher Nolan (États-Unis, Royaume-Uni)

C'est notre blockbuster de la liste, mais Christopher Nolan a cette particularité d'être un fidèle serviteur d'Hollywood tout en étant l'un des auteurs les plus singuliers et brillants de sa génération. Après ses nombreux films d'anticipation ("Interstellar" et "Tenet" en tête), il livre un biopic d'une grande puissance, autant dans la narration que la forme. Oppenheimer, le "père de la bombe atomique", n'était pas un personnage aisé à saisir, rempli de contradictions et de doutes, mais la réussite de Nolan est de ne pas vouloir lever toutes les ombres, nombreuses, qui se sont portés sur ce génial (et maudit à la fois) inventeur de la plus grande arme de destruction massive jamais imaginée par l'homme. Il choisit au contraire, à l'aide d'un récit à tiroir à montrer la complexité de l'homme et de son époque. Il faut dire que le cinéaste britannico-américain a trouvé avec Cillian Murphy la perle idéale. Repéré lui aussi dans "Peaky Blinders", il a déjà joué sous la houlette de Nolan dans "Inception" et la trilogie "Dark Knights", se fondant à la perfection dans son univers où la réalité n'est jamais celle que l'on croit. Sur son visage, impavide, le spectateur est laissé libre d'interpréter et de projeter ce qu'il se peut se passer dans la tête d'Oppenheimer, n'imposant jamais l'univoque et l'évident. On n'en attendait pas moins du cinéaste, démiurge d'un cinéma à la fois spectaculaire et expérimental, émotionnel et cérébral. Un véritable tour de force.

"Sur l'Adamant" de Nicolas Philibert (France, Japon)

Ce n'est pas la première fois qu'un documentaire remporte une récompense suprême dans un grand festival, mais le fait est assez rare pour être souligné avec l'Ours d'Or remis au début de l'année 2023 à Nicolas Philibert et son exemplaire "Sur l'Adamant". L'Adamant est le nom d'un hôpital psychiatrique de jour qui a non seulement la particularité d'être un bateau amarré sur les Quais de Seine mais qui est aussi un lieu ouvert ou la frontière entre patients et soignants n'est pas forcément visible. Une utopie flottante, unique, mais qui semblent marcher. Une arche de Noé pour ceux qui ne peuvent pas rentrer dans le rang, toujours un peu au ban, déficients de nos sociétés modernes. On sent une caméra très libre et une parole libérés par la proximité qui semble s'être crée entre la petite équipe de tournage (4 personnes maximum) et les "passagers" de l'Adamant. Au final, un film d'une intimité rare où les prises de parole ressemblent à des confessions lucides qui peuvent rester en suspens ou terminer en éclat de rire. L'imprévisible et la douce folie berce ce film particulièrement empathique, avec une absence de jugement et de préjugés sur des gens comme vous et moi, finalement. Et personne n'est parfait, comme aime-t-on à l'entendre tout au long du film...

"La Chimera" d'Alice Rochwacher ( Italie, Suisse, France)

Avec trois films qui mériteraient sans rougir d'être dans ce Top 10, le cinéma transalpin est de retour en 2023, et de belles manières. Avec Nanni Moretti d'une part, qui nous emmène "Vers un avenir radieux" en renouant avec ses marottes que l'on aime tant : le cinéma, la politique, la psychanalyse et l'amour ! Bref, sa cuisine romaine est toujours aussi bonne à déguster. Et aussi avec Marco Bellocchio qui dans "L'enlèvemen"t creuse le sillon de son cinéma politico-historique qui n'a de cesse de revisiter l'histoire italienne, et notamment ses épisodes les plus sombres comme cette histoire vraie de rapt (le titre "Rapito" en italien est plus juste) d'un jeune enfant juif, arraché à sa famille par l'Eglise catholique et l'ogre Pie IX dont le pontificat fut le plus long de la papauté. Mais c'est un autre film qui remporte finalement nos suffrages pour figurer dans les meilleurs films de l'année : " La Chimère" d'Alice Rochwacher qui distille à nouveau (après "Heureux comme Lazare" ou "Les Merveilles" entre autres pépites) quelque chose de nouveau dans le cinéma contemporain : une forme de liberté du récit et une envie du collectif communicative. Ses personnages font penser à une troupe toute droite sortie d'un film de Fellini (notamment Isabella Rossellini en vieille dame un peu fofolle) : en mettant en scène un archéologue britannique (interprétée par l'un des talents les plus prometteurs de sa génération, notamment vu dans la série "Peaky Blinders", Josh O'connor) qui aura maille à partir avec une bande de pilleurs de tombes et pas mal de chimères, forcément, Rochwacher renoue avec certains mythes européens anciens (ici, la civilisation étrusque), et laisse libre cours à un cinéma rempli de poésie et de fantaisie, échappant à toute gravité. Un bonheur.

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"La Passion de Dodin Bouffant" de Tràn Anh Hung (France, Belgique)

Ce film est un peu le mal aimé de la critique, d'abord décrié à Cannes pour son Prix de la mise en scène, pourtant mérité tant elle est sensuelle et enveloppante dans sa manière de filmer les fourneaux comme l'amour qui se passe de mots entre Dodin, gastronome hors-pair, et sa cuisinière et exécutrice de ses phantasmes culinaires; puis contesté pour sa nomination aux Oscars sous la bannière française dans la catégorie du Meilleur film international. Il vient d'ailleurs d'intégrer la short list des 15 meilleurs films de l'année (qui ne parle pas anglais) et a toute ses chances pour être dans les cinq finalistes. Fi donc de la critique (en particulier hexagonale), et laissons le spectateur se réjouir devant ce festin des sens, cette apologie de la bonne chère et des repas extravagants, servis de main de maître par un duo qui le fut à la ville et qui le redevient sur le grand écran, dans l'intimité des casseroles. Juliette Binoche et Benoît Magimel n'en font jamais trop, la complicité de leur jeu est évidente. Tràn Anh Hung tire le meilleur de ce couple 3 étoiles, en particulier pour le personnage d'Eugénie, femme qui tient à sa liberté et, par dessus tout, à son métier de cuisinière. Les thuriféraires de la modernité ne verront dans cette "Passion de Dodin-Bouffant" qu'un film académique et convenu, alors qu'il livre un propos universel sur le bonheur des choses simples, comme cuisiner et faire l'amour. Une leçon !

"Menus plaisir - Les Troisgros" de Frederick Wiseman ( France, Belgique)

Dans un registre radicalement différent mais marqué aussi par l'excellence, Menus plaisirs- Les Troisgros est, comme son titre l'indique une sorte de biopic documentaire sur la maison Troisgros, 3 étoiles au Michelin depuis 55 ans, filmé par l'un des plus grands maîtres vivants du documentaire, Frederick Wiseman, 93 ans et qui vient, encore un fois, apporter un regard neuf sur son sujet. En 4 heures -le temps d'un repas gastronomique, pas moins-, il nous livre un film kaléidoscopique et impressionniste qui, par touches successives, nous dresse un tableau hyperréaliste de la vie d'un grand restaurant, de la salle de réception au jardin potager et au marché, en passant bien sûr par les cuisines, réacteur nucléaire où les mets deviennent des merveilles.

Au delà, c'est le portrait d'une famille exceptionnelle, héritière d'un savoir-faire et de l'amour des produits du terroir que le film arrive à cerner, nous emmenant paître en compagnie des vaches charolaise dont on envie l'herbe aussi verte que grasse qu'elle broute, aux rognons aux fruits de la passion qui semblent propulser ceux qui les goûtent dans une autre galaxie... sans parler du plateau de fromages colossal ou des desserts improbables qui reproduisent le nid d'un oiseau et son oeuf, le tout en chocolat. Créativité, exigence extrême pour la fraîcheur et la qualité, patience et transmission, autant de valeurs que Wiseman réussit à nous transmettre sans un commentaire ni voix-off ni musiques additionnels. Où l'art du montage rejoint l'art de la grande cuisine...

Et pour 2024...

Il y a bien sûr d'autres films que l'on aurait intégrer à ce Top 10 comme "The Zone of Interest" de Jonathan Glazer, Grand Prix du Jury à Cannes, sur la vie de famille du chef de camp d'Auschwitz, "Green Border" de la polonaise Agnieszka Holland sur l'exploitation des migrants aux portes de l'Europe ou encore "Poor Things", revisitation du mythe de Frankestsien, version féminine, du grec Yorgos Lanthimos, Lion d'or à la dernière Mostra de Venise. Mais ce sera pour l'an prochain, puisque ces films ne seront visibles sur les grands écrans qu'en 2024. En attendant, rattrapez votre retard que cela soit en salles ou chez vous !

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Author: Dr. Pierre Goyette

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